Jonathan B -

Toledo – avril ?

(avril 2025 ?)

Si seulement tu crevais 

au lieu de moi que ce soit dans la poitrine de quiconque 

ton coeur à toi qui se décrochait

qui le coeur devient une boule de poils

scratchés sur le sternum ou quelque os

mieux professionnellement appelé

suspendus à force de la gravité les trous noirs bileux

qui absorbent la lumière restituée en battements nerveux. 

Lorsque je lis, chez Camille de Toledo, la trouvaille de la dépouille de son frère, entre les mains tremblantes de sa mère et de son père, décroché à l’instant, par qui, je l’ignore, de la corde qui le pendît, je pense aussitôt à moi ma mort, l’envie, brutale jadis, de me jeter sous les essieux du train. Il y a, dans ce corps intact parce que pendu, la possibilité du deuil, le support, avant celui de la tombe et de la concession funéraire. 

Je crois que c’était là ma pire crainte d’empêcher le deuil de prendre appui, d’abord sur le cadavre réel. Parce que l’on ne peut pas rendre figure humaine, celle proposant le dernier au revoir. Je me demande comment change la qualité du deuil et, pour me renseigner, afin de ne pas tâtonner comme jadis – mais se produit de ce tatônnement un état de la connaissance puisque nous prélevons des informations que nous n’aurions pas trouvé autrement – je demande à chatgpt de m’instruire des conséquences d’un corps méconnaissable. Comme je le suppose il existe, de façon distendue, sans que ce ne soit un objet constitué de la recherche universitaire, une sociologie du deuil. 

Avant, tout, j’apprends qu’il existe des obligations légales quant à la présentation de la dépouille – nous trouvons toujours des informations périphériques y compris en utilisant chatgpt – et lorsque celle-ci est méconnaissable le code Code général des collectivités territoriales en France, art. R.2213-33 et suivants (je ne vérifie pas la véracité de l’information ni si les articles ou le code visés traitent réellement de ces termes) le procureur ordonne une présentation scellée. Et voilà que la vie perdue voit aussi la mort volée que le pouvoir sous une quelconque de ses émanations décide de ce qui peut être vu ou soustrait au regard, de ce qui se montrera ou de ce qui sera dissimulé, de façon forcée, prisonnier du cercueil. Le droit ici ne dit rien de la vérité du deuil, de ce que le deuil réclame, de ce que la mort pour passer, pour se rétrécir jusqu’à une taille digeste, qui ne se coince plus dans la gorge comme une grosse pierre effilée. Le droit est tout à fait impuissant, il agit là comme un garant de bonne morale, comme un parent autoritaire décrétant, fort, probablement, d’une longue expérience, de quelques études sur le sujet mais qui ces études ne disent rien des singularités, de la diversité de ces dépouilles méconnaissables.Puise méconnaissable ou pas je peux moi sentir le pourrissement 

puis celui-ci seulement qui connût vivant l’enfer 

peut-être dois-je voir de mon père incestueux

de ma mère violente

le corps putrescent pour me garantir que pour toujours et à jamais

il ne ressortira pas de son amas grossier

qu’intérieurement ou pour de vrai devant cette bouillie macabre 

je puisse pousser mon hululement sauvage une bête libre

Pourquoi ces raisons conduisent-elles à me priver de la vue

comme du temps des cosaques

pour me l’approcher des yeux

poser les yeux sur le cimeterre chauffé

agir en eclipse

me priver pour toujours de la vue

et encore

encore

je veux pouvoir sentir s’exhaler du cercueil 

du coffre en verre ou quel nom donne-t-on 

à ces réceptacles attendant l’ultime geste du rite funéraire

l’inhumation ou la crémation 

l’odeur 

la sainte odeur de la chair passée

mauvaise viande source de mes maux

te voilà bien avariée 

laissez moi donner et demandant ceci à chatgpt il me répond avec son brio usuel 

que la dignité du mort prime sur tout 

et le résume en cette formule que je trouve parfaite

le droit protège aussi le corps du monstre.